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Le blog de la bi-licence Droit espagnol de Nanterre

La violence envers les femmes en Argentine par Paula Afanador Sanabría et Paula Soler Batalla

8 Juin 2018 , Rédigé par Nathalie Jammet-Arias

La violence envers les femmes en Argentine

 

            Dans le cadre de ce dossier sur la situation des femmes en Argentines, un intérêt a été porté sur les violences subies par les femmes ainsi que sur l’état du droit en matière de prostitution.

            Un regard a d’abord été porté sur le mouvement « Ni una menos » né précisément à Buenos Aires en 2015, pour protester contre la récurrence de féminicides particulièrement violents relayés par les médias.

            Afin de donner une plus grande visibilité à la situation d’inégalité entre les femmes et les hommes et la banalité de violences subies par celles-ci, les associations de défense des droits des femmes ont obtenu de la justice argentine qu’elle exécute son obligation de publier des rapports an-nuels sur les feminicides reprenant des éléments comme l’âge, la profession, le lien entre l’agresseur et la victime… Il en résulte que dans 86% des cas l’agresseur était au moins une connaissance de la victime, et dans 61% des cas il s’agissait de son partenaire.

            La législation argentine encadre les violences faites aux femmes au moyen de lois qui prônent l’égalité dans toutes les relations interpersonnelles et donnent une traduction juridique à ces violences. Elles sont d’une part sanctionnées par le code pénal, dans un but répressif, mais la la loi incite aussi les établissements scolaires à sensibiliser les nouvelles générations sur la situation des femmes, dans un but éducatif et préventif. Cette demande d’intervention de l’État en amont était aussi une des revendications du mouvement « Ni una menos ».

            Il est intéressant de souligner que le Code pénal de la Nation Argentine reconnait pénalement le crime de « féminicide » alors que certaines associations françaises militent encore pour la reconnaissance pénale en France.

            On pourrait envisager le droit de divorcer qui est encadré par la loi argentine, comme une solution aux violences domestiques, mais ce droit à pendant longtemps été soumis à des conditions justifiant la volonté de se séparer, les violences en faisant partie. Mais les pressions faisant obstacle à la séparation sont nombreuses, d’une part l’Argentine étant un pays très croyant, ainsi le divorce à mauvaise réputation, d’autre part, un mari violent aura du mal à accepter la séparation de sa compagne ce qui pourra le pousser a commettre l’irréparable, le plus haut degré de violence envers les femmes, le féminicide.

 

I- Les violences contre les femmes argentines, une violence machiste, souvent domestique

            Il y a plus de 200 féminicides par an en Argentine. Lors des manifestations, en juin 2015, c’est la violence machiste qui était pointée du doigt puisque les victimes sont principalement les compagnes de leur agresseur ou un membre de leur propre famille.

Parmi les affaires ayant scandalisé l’opinion publique, pour nous présenter 5 victimes de violences machistes :

            La première de nos victime, Chiara Pàez, est une jeune fille de 14 décédée suite au coups portés par son compagnon de l’époque Manuel Vallejos, un jeune homme de 16 ans. Pour cause, la jeune femme était tombée enceinte et des restes de pilule abortive ont été découverts lors de son autopsie. Son corps a été trouvé enterré dans le jardin des grands parents de l’agresseur. C’est cette première affaire ayant éclaté le 5 juin 2015 dans la province de Santa Fe qui a lancé le mouvement « ni una menos ».

            Ensuite, Melina Romero, à peine 17 ans puisqu’elle disparut le jour de son anniversaire en 2014. Elle fut victime d’agression sexuelle avant de mourir asphyxiée par ses agresseurs. Son corps fut retrouvé dans un sac poubelle au bord d’un ruisseau.

            Dans le cas de Daiana Garcia, une jeune femme de 19 ans retrouvée, encore une fois, morte par asphyxie dans un sac poubelle au bord d’une autoroute, son agresseur n’est que présumé être son petit ami de l’époque, Manuel Figola, 39 ans, qui s’est suicidé après avoir avoué à son père qu’il avait « commis une erreur ». Malheureusement, les Registres Nationaux des Féminicides de la Cour Suprême argentine ne prennent en compte que les agresseurs ayant été traduits en justice, pourtant il est fréquent que l’agresseur, conjoint de la victime, se suicide après avoir commis un tel meurtre.

            Enfin, le meurtre en octobre 2016, de Lucia Pérez, 16 ans, fut particulièrement violent. Celle-ci fut agressée par 3 hommes. Deux d’entre eux avaient 23 ans, le dernier Juan Pablo Offiani en avait 41. Les agresseurs droguèrent la victime, après quoi ils la violèrent ce qui fut la cause directe de son décès, on appelle cela une mort par empalement. Les agresseurs avaient rencontré la victime quelques jours plus tôt à l’entrée du lycée ou elle étudiait.

            Ces histoires sont dures à entendre mais elles révèlent la violence machiste ambiante qui pèse sur les femmes argentines. Elles se sentent menacées à leur propre domicile dès lors que dans la majorité des cas leur bourreau est leur propre conjoint. Dans ces cas les hommes voient leur compagne comme une propriété, ils décident si elles ont le droit de vivre ou de mourir et abandonnent les corps parfois dénudés, leur ôtant ce qu’il leur restait de dignité. Une sensibilisation auprès de toutes les générations et de toutes les classes sociales est nécessaire. Des moyens aussi doivent être mis a disposition de femmes afin de les protéger, de pouvoir se détacher de leur agresseur lorsque la relation est de l’ordre le plus intime.

 

II- La séparation, solution ou facteur de féminicides?

            Les époux sont soumis à des devoirs aussi bien moraux que juridiques. L’irrespect de ces devoirs peut en effet parfois conduire à des sanctions juridiques, notamment le divorce ou la séparation de corps.

            En Argentine, le statut de la femme mariée a évolué au fil des années. Désormais, elle n’est plus soumise à des obligations spécifiques mais semble tout de même être victime de normes discriminatoires telles que l’administration du patrimoine conjugal qui ne lui est pas dévolu. L’évolution de la société argentine vas également donner de plus en plus de droits aux femmes mariées, notamment le droit de porter plainte. En cas de conflit, lors de présence de violence de genre, si celle-ci à réussit à fuir d’une situation violente, elle doit en premier lieu préserver sa vie et dénoncer immédiatement son conjoint auprès du commissariat.

            Toutefois si celle-ci a été brutalisée ou agressée, elle peut directement porter plainte et ainsi rapporter toutes les preuves qu’elle a pu réunir.                                                                                             En revanche, si la femme présente d’importantes lésions physiques, conséquences de l’agression, elle n’est pas obligée de faire appel à un médecin car dans le commissariat le personnel spécialisé s’occupera directement de son cas.

            Il convient de savoir que la violence de genre est de nos jours, une cause directe de dissolution du mariage. Par conséquence, la femme peut porter plainte contre son conjoint mais peut également directement demander la séparation ou le divorce après que toute constatation de violence ait été établie. La demande de séparation ou de divorce est alors un droit, qui peut être exercé dès lors que le conjoint porte atteinte à la vie et à l’intégrité de l’autre ainsi qu’à leurs enfants, lorsque le conjoint oblige l’autre à commettre un délit ou un crime par injures ou par l’abandon volontaire. 

Le divorce ou la séparation, solution ou facteur déclencheur de violence de genre et féminicide?

            Bien que toute forme de violence de genre soit une cause directe de séparation ou de divorce, de récentes études montrent que lorsqu’une relation est caractérisée par la présence d’une situation d’intense domination, la matérialisation de la décision de rupture (que ce soit une séparation ou un divorce ) ou le simple fait d’annoncer une rupture est la cause/facteur principal de violence de genre et/ou de féminicide (mort violente de la femme causée par son époux/conjoint). De cette manière, nous constatons que ce facteur déclencheur se situe comme première cause des féminicides.

Le dépôt de plainte vu comme source de violence de genre ou féminicide                   

            La dénonciation policière ou judiciaire des violences se situe juste derrière celle-ci.  Le second facteur est lié au nombre de dépôts de plainte qui ne cesse de s’accroître. L’une des données des plus inquiétantes que souligne le rapport d’ONU en Argentine, c’est que seulement 9,7% des femmes assassinées avaient déjà déposé une plainte pour mauvais traitement. Ce qui signifie que les femmes, victimes de violence de genre, « ne croient pas en la justice » de leur pays et subissent la violence en silence.

            On peut en conclure que lorsque la femme portent plainte ou lorsqu’elle entreprend les procédures de séparation ou de divorce, aucune mesure de protection physique de la victime n’est prévue par le système lorsqu’il y a des antécédents ou non de violence de genre établis. Ces circonstances génèrent un risque démesuré ainsi qu’une absence de protection de la femme, mesures qui doivent être revues par le système. Par conséquent, il faut considérer que la rupture de la relation (de domination) à travers le dépôt d’une plainte pour maltraitance ou l’annonce de séparation ou de divorce, est un facteur à haut risque, déclencheur à la fois de situations violentes et dans certains cas, de la mort violente de la femme. En conclusion, on déduit que la multiplication du nombre de ports de plainte a également produit une croissance significative du nombre de victimes mortelles, bien que, comme il l’a été démontré, la sécurité physique de la possible victime est inexistante.

Le crime d’honneur confondu avec le crime passionnel, facteur de féminicides?                  

            Le crime d’honneur est également un facteur de féminicide. Ce dernier est un crime commis la plupart du temps par un proche pour venger son honneur. Le plus souvent, il s'agit d'un homicide dont est victime une femme qui selon l’auteur, a déshonoré l'ensemble d'une famille. En Argentine, le crime d’honneur n’est plus autant pratiqué qu’avant, ceci n’est pas le cas au Brésil ou en Equateur, par exemple. Selon un rapport de 2002 des Nations-Unies, une dizaine de pays prévoient dans leur code pénal ou leurs lois une tolérance partielle ou totale pour les crimes d’honneur, ceci est le cas de l’Argentine.

            Dans certains pays, le crime d’honneur peut être confondu avec le crime passionnel. Le crime passionnel quant à lui, désigne un homicide ou une tentative d'homicide commis sous l'emprise de la passion par le conjoint ou l’ex-conjoint. C’est une cause de féminicides.

            Par conséquent, nous pouvons constater que le statut de la femme mariée et divorcée n’est pas facile. Dans 61% des cas, les assassins étaient les compagnons ou ex-compagnons des victimes. Au cours de ces sept dernières années, 2919 enfants, dont 63% mineurs, ont perdu leur mère dans ces terribles circonstances, et ils se sont retrouvés orphelins, car dans de nombreux cas les meurtriers se suicident après avoir commis ces actes.                                                                                        Une grande partie des auteurs de féminicides se sont basés sur une relation caractérisée par la domination et le contrôle absolu sur leur conjoint découlant de l’idéologie du chef de famille (société patriarcale). De cette manière, l’homme utilise la violence pour affirmer son pourvoir et sa dominance sur la femme et ainsi établir le control des situations. Lorsque la femme remet en question ce modèle de vie, de par la séparation ou le divorce, l’agresseur éprouve une nécessaire élimination « morale » face à cette idée et donc procède par une élimination physique de la femme qui va même provoquer parfois la mort de l’agresseur même.

 

 

            En conclusion, le féminicide existe lorsque l’Etat ne donne pas de garanties et n’établit pas des conditions de sécurité acceptables pour les femmes ; que ce soit au sein de la communauté, à la maison, sur le lieu de travail ou dans les lieux publics. Comme nous avons pu l’analyser, le système n’offre pas des mesures de sécurité aux femmes lorsque celles-ci sont ou ont été victimes de violences de genre. Elles ne se sentent pas protégées, ne croient pas en la justice et préfèrent subir la souffrance en silence car elles n’osent pas dénoncer ceux qui leur font du mal par peur que quelque chose de pire ne leur arrive. Croirait-on que dénoncer est la meilleure chose à faire ? Cela est faux, le dépôt de plainte est une cause de féminicides. Fuir les relations violentes par séparation ou divorce est la solution à une meilleure protection de soi-même et de sa famille? Cela est faux, c’est le premier facteur de féminicides. Pourquoi? Car les mesures de protection ne sont pas à la hauteur, peut être que si la société s’engageait à garantir une haute protection, les femmes n’hésiteraient pas autant à porter plainte. Si le nombre de dépôts de plaintes augmente, les mesures de sécurité pour les femmes peuvent être améliorées Il faudrait que les femmes se sentent avant tout protégées par le système.

 

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