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Le blog de la bi-licence Droit espagnol de Nanterre

La campagne de stérilisation forcée au Pérou par Océane Boulleray, Lucile Bustarret, Johanna García Tabares, Jade Huguenin, Alexis Murca

8 Juin 2018 , Rédigé par Nathalie Jammet-Arias

La campagne de stérilisation forcée au Pérou

 

« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame » disait la Ministre de la Santé française, Simone Veil. Elle avait fait du droit à l'avortement son combat. Elle le gagnera le 17 janvier 1975 avec la loi IVG.

Néanmoins, de l'autre côté de l'Atlantique, des pays ne voyaient pas cela de la même façon. L'avortement n'était pas forcément assujetti au choix de la femme concernée.

Le Pérou de 1995 à 2000 en est l'exemple même avec sa campagne de stérilisation forcée. Durant cette dernière, de nombreuses femmes furent avortées de force et stérilisées sans leur consentement.

En effet, dans quelle mesure cette campagne de stérilisation forcée illustre une violation absolue du droit des femmes au Pérou, sous le gouvernement de Fujimori ?

Dans un premier temps, la campagne en elle-même en est le parfait exemple (I). De surcroît, les conséquences qui ont suivi et la réaction de la justice démontrent un manque cruel de considération pour les droits des femmes qui furent violés (II).

 

  1. Une campagne de stérilisation qui viole le droit des femmes

 

A. Les origines

 

Le 28 juillet 1990, Fujimori est élu président du Pérou. Cinq ans plus tard, il est le seul homme lors de la conférence sur les femmes de l'ONU à Pékin. Il annonce un planning familial pour que « les femmes puissent disposer en toute autonomie et liberté de leur vie ». Une annonce qui fait espérer à certains et certaines un monde meilleur dans une société très conservatrice.

 

Cependant, le Pérou est en pleine crise et le président Fujimori demande une aide financière à la Banque mondiale ainsi qu'à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) et au Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Toutefois, pour pouvoir bénéficier de ces aides, il est exigé du gouvernement péruvien et de la nation péruvienne un meilleur contrôle démographique, sinon aucune aide ne sera accordée au Pérou.

Le président Fujimori décide donc de mettre en place une stérilisation des femmes de son pays, sur la base du volontariat au départ avant que cela devienne contraint.

 

 

 

 

 

B. Une campagne irréversible

 

Pour parvenir à ce contrôle démographique exigé et réduire le niveau de pauvreté de sa population, le président Fujimori instaure dans tout le pays des centres de santé. Dans ces derniers, des opérations de stérilisation vont avoir lieu.

Il s'agit de vasectomie chez l'homme ou de ligature des trompes chez la femme. Ce sont donc des opérations chirurgicales irréversibles.

Des annonces sont propagées dans toute la population pour promouvoir la stérilisation.

 

La population amérindienne est particulièrement visée en raison du nombre important d'enfants par femme qui sont, certes des bouches à nourrir, mais aussi une aide pour le travail agricole. Ces populations, marginalisées, analphabètes pour la plupart et ne parlant que le quechua (la langue de leurs ancêtres) seront les principales victimes de cette campagne.

Les centres vont procéder à de plus en plus de stérilisations forcées par divers moyens : certaines femmes sont emmenées de force à l’hôpital, attachées sur leur lit puis opérées sans plus de précautions et sans anesthésie.

Le gouvernement impose des quotas dans tout le pays : les centres qui réalisent le plus de stérilisations sont ceux qui perçoivent le plus de subventions.

Ce dernier faisait signer des lettres de consentement à des femmes qui ne savaient ni lire ni parler une autre langue que le quechua et procédait donc sans aucun consentement valide à des stérilisations forcées.

En 1996, 81.762 ligatures de trompes eurent lieux. Le pic fut atteint en 1997 avec 109.689 stérilisations chez les femmes. Entre 1995 et 2000, 331.600 femmes furent stérilisées. Un nombre impressionnant quand on sait qu’une grande partie l'a été sans consentement, dans la contrainte ou le mensonge. Nous constatons donc que le droit des femmes à disposer de leur corps a été totalement violé. Si les droits des femmes n’ont pas été respectés, cette violation s'ajoute à une discrimination très importante : en effet, la majorité des stérilisations furent faites sur des amérindiennes et non des femmes de la ville sous couvert de baisser la pauvreté dans le pays.

Mais cette campagne a, avant tout, réduit la croissance démographique de la population quechua à l’époque. Ainsi, cette campagne illustre à la fois le non-respect des droits de la femme mais aussi une certaine inégalité entre ces mêmes femmes face à ces droits.

 

 

 

  1. Une réaction cruelle et sans justice

 

Le scandale a éclaté en 1997. Cependant, cette campagne a continué jusqu'à la fin du mandat de Fujimori en 2000.

L'après-campagne est tout aussi violente. En effet, ces femmes, victimes, sont aujourd'hui détruites physiquement mais par-dessus tout moralement (A). Enfin, la justice n'a pas été rendue à ces dernières et les personnes qui ont procédé à ces actes pendant cinq ans n’ont jamais été punies (B).

 

A. Des conséquences physiques et morales évidentes

 

Il est évident qu'une telle épreuve provoque sur les victimes des conséquences physiques mais aussi morales irréparables. En effet, nombre d'entre elles se sont réveillées le lendemain de leur opération, le ventre ouvert avec des douleurs insupportables. Leur bébé leur avait été pris et elles avaient été stérilisées de force sans aucun consentement et parfois même sans le savoir dans un premier temps. D’ailleurs, elles étaient pour la plupart très jeunes et âgées d’à peine 25 ans. Ces femmes, encore aujourd'hui, se souviennent et n'oublient pas tout ce qu'elles ont subi au sein des centres de santé qui n'avaient pour objectif que la réalisation d'un quota. Malheureusement, des cas encore plus dramatiques existent. En effet, certaines victimes sont décédées des suites de l’opération.

En 1997, Celia Ramos Durand a subi une chirurgie pour la ligature des trompes dans un centre de santé. Lors de l'opération, des complications médicales se sont présentées. Comme l'établissement ne possédait pas le matériel approprié pour s’occuper de la patiente, elle a été transférée à la clinique San Miguel, où elle est arrivée dans le coma avec des signes de graves lésions cérébrales. Elle est décédée le 22 Juillet, de cette même année. Bien que le cas ait été signalé, le Procureur principal de Piura a archivé le cas en prétextant qu’il n’y avait pas assez de preuves pour déposer une accusation.

 

B. Une justice qui n'a pas été rendue

 

En 2009, Fujimori est condamné à 25 ans de prison pour corruption, disparition et massacre d’opposants, mais ni lui, ni ses ministres n’ont jamais été jugés pour les stérilisations forcées. Il a d’ailleurs bénéficié d’une grâce humanitaire pour tous ces faits en raison de son âge (79 ans) et de son état de santé (il souffre d’un maladie dégénérative incurable.)

Aujourd’hui, chacun prend ses distances et tente de minimiser les faits, réduisant les abus à des cas isolés.

Les féministes, elles-mêmes, restent discrètes, craignant que le scandale n'éclabousse le droit à la contraception. AVSC suspend son programme et USAID interpelle le gouvernement péruvien.

 

Les quotas disparaissent, et le nombre de stérilisations tombe de 120 000 en 1997 à 28 000 en 1998. Quand le programme de planning familial s’achève définitivement en 2000, avec le départ de Fujimori, plus de 300 000 Indiennes et quelques 30 000 Indiens ont été stérilisés. Julia Tamaio répertorie 17 cas de décès - les seuls reconnus officiellement. Portée devant le Congrès des États-Unis, l'affaire sera récupérée par les lobbys anti-avortement, mais les agences américaines sont dédouanées de toute responsabilité directe.

Ainsi, malgré la violation des droits fondamentaux des femmes, aucune justice n'a été rendue. Les coupables sont encore libres et les victimes n'arrivent pas à obtenir justice. On constate donc que cette campagne, même terminée, illustre toujours le manque cruel de respect pour les droits des femmes au Pérou.

 

En outre, en avril 2018, il a été affirmé que le Parquet général du Pérou avait été saisi pour le cas de cinq femmes stérilisées de force au cours du mandat d’Alberto Fujimori. Ces dernières avaient subi d’importantes lésions suite à cette intervention. Un premier pas vers la justice pour toutes ces femmes lésées ? Rien n’est moins sûr...

 

Bibliographie :

 

 

 

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